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26 octobre 2023
Un arrêt rendu le 19 octobre dernier par la Cour de cassation semble subordonner le bénéfice des exonérations de cotisations sociales afférentes aux suppléments d'intéressement et de participation à l'existence d'un accord spécifique régulièrement déposé, que les modalités de répartition de ces suppléments soient différentes ou non de celles prévues dans les accords de base. Mais peut-être faut-il analyser cette décision à l'aune des faits ?

Formalisme requis par la législation et la réglementation pour le supplément de participation ou d'intéressement : bref rappel

Pour accorder aux salariés un supplément de participation ou d'intéressement, il n'est pas nécessaire de faire appel à la négociation. Le conseil d'administration, le directoire ou, quand aucun des deux n'existe, le chef d'entreprise peut décider unilatéralement de verser un supplément de réserve spéciale de participation ou d'intéressement. Ce supplément est alors versé selon les critères de répartition prévus par l'accord de participation ou d'intéressement initial (C. trav., art. L. 3314-10 ; C. trav., art. L. 3324-9 ; Circ. DSS/5B/DGT/RT3/2007/199, 15 mai 2007 ; Guide de l'épargne salariale, Dossier n° 1, Fiches 7 et 8).

Remarque

la décision de verser un supplément de participation ou d'intéressement peut être prise chaque année. Elle ne peut intervenir qu'au titre du dernier exercice clos. Les entreprises soumises au régime d'autorité ne peuvent attribuer un supplément de participation.

Si l'employeur souhaite adopter des critères de répartition du supplément de participation ou d'intéressement autres que ceux prévus dans l'accord initial, il doit nécessairement conclure un accord spécifique selon les modalités prévues aux articles  L. 3322-6 (pour le supplément de participation) et L. 3312-5 (pour le supplément d'intéressement) du code du travail.

Remarque

il ne peut retenir des critères autres que ceux applicables en matière de participation ou d'intéressement (répartition uniforme, proportionnelle aux salaires, proportionnelle à la durée de présence du salarié au cours de l'exercice ou une combinaison de ces différents critères). L'accord spécifique ne peut pas envisager une condition d'ancienneté différente de celle prévue, le cas échéant, par l'accord initial.

L'accord doit être déposé auprès de l'administration.

Les faits

Dans cette affaire, une société avait négocié, dans le cadre de la négociation obligatoire (NAO) sur les salaires :

  • la distribution d'un supplément de participation dans les conditions de répartition prévues par l'accord de participation en vigueur, 
  • et la distribution d'un supplément d'intéressement dans les conditions de répartition prévues par l'accord d'intéressement en vigueur. 

Cette négociation avait été formalisée dans trois protocoles d'accord de négociation annuelle sur les salaires pour les suppléments de participation versés au titre de 2012, 2013 et 2014 et dans deux protocoles d'accord de négociation annuelle sur les salaires pour les suppléments d'intéressement versés au titre de 2012 et 2013. Les protocoles, non spécifiques aux suppléments, avaient tous été déposés auprès de l'administration (la Direccte à l'époque des faits).

A la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société les suppléments de participation et d'intéressement alloués aux salariés au motif qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées.

La société conteste ce redressement en justice. La Cour d'appel lui donne tort, considérant que « le fait que des protocoles d'accord de négociation annuelle incluent des dispositions relatives à la participation et à l'intéressement ne suffit pas à établir que les suppléments auraient fait l'objet d'un accord spécifique ou d'un avenant à l'accord initial déposé suivant les modalités exigées ».

La société se pourvoit alors en cassation arguant que les suppléments de participation et d'intéressement pouvaient être régulièrement institués par les protocoles d'accords de négociation annuelle prévoyant leur attribution, protocoles déposés auprès de la Direccte. Pour elle, les exigences posées par la loi pour que ces suppléments soient exclus de l'assiette des cotisations sociales étaient remplies. En effet, les modalités de répartition des suppléments n'étaient pas différents de celles prévues dans les accords de participation et d'intéressement ; il n'y avait donc pas nécessité de conclure un accord spécifique. A titre subsidiaire, les protocoles, déposés régulièrement à la Direccte, pouvaient faire office d'accords spécifiques.

Un supplément de participation négocié par voie collective nécessite, dans tous les cas, la conclusion d'un accord spécifique

S'agissant du supplément de participation, la Cour de cassation affirme que « lorsque l'augmentation de la réserve spéciale de participation est négociée par voie collective, le supplément de participation doit faire l'objet d'un accord spécifique prévoyant les modalités de répartition entre les salariés ». Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit avoir été déposé auprès de l'administration.

Ainsi, lorsqu'un accord collectif institue un supplément de participation, il doit nécessairement être spécifique au supplément et régulièrement déposé. Peu importe à cet égard qu'il prévoit des modalités de répartition identiques ou non à l'accord de participation.

Dans cette affaire, l'augmentation de la RSP avait bien été négociée par voie collective puisque décidée au cours de la NAO sur les salaires. Mais le supplément n'avait pas fait l'objet d'un accord spécifique puisqu'inclus, parmi d'autres mesures, dans le protocole d'accord de négociation annuelle sur les salaires. Si ce protocole, régulièrement déposé auprès de l'administration, avait toutes les caractéristiques d'un accord collectif de travail au sens de l'article L. 3322-6, 1° du code du travail, il n'était pas spécifique au supplément de participation. Les exonérations afférentes au supplément de participation pouvaient donc être remises en cause.

Par cette décision, la Cour de cassation a probablement souhaité qu'aucun accord instituant un supplément de participation n'échappe au contrôle de légalité de l'administration. Accepter qu'un accord plus général puisse inclure ce supplément aurait eu cet effet. Si cet accord est en prime un protocole d'accord de négociation annuelle sur les salaires, comment vérifier le respect du principe de non-substitution à un élément de salaire ? 

Un supplément d'intéressement peut-il encore être décidé unilatéralement ?

S'agissant du supplément d'intéressement, l'attendu de la Cour de cassation est moins compréhensible au regard de la législation et la réglementation en vigueur relative au formalisme des suppléments.

La Cour de cassation dispose que « lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur peut mettre en oeuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement ». Pour ouvrir droit à exonération, cet accord spécifique doit également avoir été déposé auprès de l'administration.

Un accord d'intéressement avait bien été conclu au sein de la société et le supplément avait été négocié lors de la NAO sur les salaires et formalisé dans des protocoles d'accords comportant d'autres mesures (donc non spécifique). Mais la société n'avait pas prévu de modalités de répartition différentes de celles prévues dans l'accord d'intéressement initial. Aucun accord spécifique n'était donc nécessaire ; une décision unilatérale suffisait.

La Cour de cassation a-t-elle voulu préciser, comme pour le supplément de participation, qu'en cas de négociation par voie collective, il faut nécessairement formaliser le supplément d'intéressement dans un accord spécifique ? Ou bien remet-elle en cause la souplesse accordée par la loi et la réglementation au formalisme des suppléments de participation et d'intéressement en exigeant dorénavant pour toute distribution d'un supplément d'intéressement la conclusion d'un accord spécifique régulièrement déposé ? Il est permis d'en douter. Pour lever ce doute, il faudra probablement attendre l'éventuel commentaire de cette décision dans la lettre trimestrielle de la Cour de cassation, l'arrêt étant publié.

En attendant ces précisions, pour plus de sécurité juridique, il est recommandé aux entreprises d'accompagner systématiquement la mise en place d'un supplément d'intéressement ou de participation d'un accord spécifique déposé sur la plateforme Téléaccords dans les mêmes conditions que tout accord de participation ou d'intéressement, que les modalités de répartition soient différentes ou non des modalités de répartition de la RSP ou de l'intéressement.

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