La procédure actuellement en vigueur de saisie sur rémunération
Aujourd’hui, et jusqu’au 1er juillet, la procédure de saisie des rémunérations, qui permet à un créancier privé de saisir une partie des rémunérations d’un salarié débiteur via son employeur, ne peut être mise en œuvre qu’après avoir obtenu une autorisation judiciaire. Cette autorisation fait suite à l’échec d’une tentative préalable de conciliation dirigée par le juge de l’exécution (C. trav. art. R. 3252-12 à R. 3252-19). Si la saisie est validée par le juge, l’employeur reçoit une notification de la part du greffe du tribunal judiciaire, lui transmettant un acte de saisie des rémunérations (C. trav. art. R. 3252-22 et R. 3252-23). Par la suite, il doit verser chaque mois au secrétariat-greffe du tribunal judiciaire une somme correspondant, au maximum, à la part saisissable de la rémunération du salarié (C. trav. art. R. 3252-27).
La « déjudiciarisation » de la procédure de saisie
Afin de rendre la justice plus efficace, le législateur a souhaité « déjudiciariser » la procédure de saisie sur rémunération sur deux points :
- d’une part, l’autorisation du juge de l’exécution est supprimée ;
- et d’autre part la mise en œuvre de la procédure est du ressort des commissaires de justice, en lieu et place du greffe du tribunal judiciaire.
Attention, le juge de l’exécution ne sera pas pour autant totalement écarté, puisqu’il pourra intervenir en cas de contestation de la mesure de saisie, à titre de contrôle (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-7 à R. 212-1-9 nouveaux).
Remarque
c’est ce qui avait été discuté lors de la saisine du conseil constitutionnel à la suite de l’adoption de la loi. Les requérants reprochaient aux nouvelles dispositions de permettre que la saisie des rémunérations puisse avoir lieu par l'intermédiaire de l'employeur sans que soit encore requise l'intervention du juge (Cons. const., déc., n° 2023-855 DC, 16 nov. 2023).
Un changement de code pour une grande partie des dispositions relatives à la saisie
La procédure de saisie sur rémunération sera, à partir du 1er juillet 2025, régie par des dispositions du code des procédures civiles d’exécution. Les articles L. 3252-8 à L. 3252-13 et R. 3252-6 à R. 3 252-41 du code du travail seront abrogés et remplacés, dans le code des procédures civiles d’exécution, par les articles L. 212-2 à L. 212-14 et R. 212-1-1 à R. 212-41.
La réforme n’apporte cependant aucune modification concernant :
- l’impossibilité de procéder à des saisies conservatoires (C. trav., art. L. 3252-7) ;
- et le barème de la quotité saisissable et la règle de la fraction totalement saisissable (C. trav., art L. 3252-2, L. 3252-3, R. 3252-2, R. 3252-3 et R. 3252-5).
Le décret du 12 février fournit également des précisions supplémentaires concernant le déroulement de la procédure de saisie, en particulier sur :
- l’intervention d’autres créanciers en cours de procédure (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-16 à R. 212-1-20 nouveaux) ;
- l’incidence des saisies administratives à tiers détenteur, relatives aux créances garanties ou non garanties par le privilège du Trésor public (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-33 et R. 212-1-34 nouveaux) ;
- les procédures de paiement direct d’une créance alimentaire (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-35 nouveau).
La création du registre numérique des saisies des rémunérations
Un registre numérique des saisies sera mis en place, dans lequel sera inscrit toutes les mesures de saisie en cours, permettant aux créanciers d’intervenir dans la répartition des sommes saisies, ou saisissables dans le cas d’un accord de règlement (L. n° 2023-1059 du 20 nov. 2023, art. 47, I, 2°, b ; Ord. N° 2016 728 du 2 juin 2016, art. 16, 12° bis nouveau).
Placé sous le contrôle de la Chambre nationale des commissaires de justice, ce registre devra permettre :
- le traitement des informations nécessaires à l’identification des commissaires de justice, des débiteurs, des créanciers et des employeurs tiers saisis,
- et la conservation et la mise à disposition des informations nécessaires à l’identification du premier créancier, du débiteur et du commissaire répartiteur.
Les différents actes produits tout au long de la procédure seront inscrits dans ce registre (v. ci-après).
Le commandement de payer, le point de départ de procédure
La nouvelle procédure de saisie sur rémunération débutera par la signification, par un commissaire de justice, au débiteur, d’un commandement de payer (C. proc. civ. exéc., art. L. 212-2 modifié) qui lui enjoindra de régler sa dette dans un délai d’un mois, ou à défaut, de trouver un accord avec son créancier sur le montant et les modalités de paiement (C. proc. civ. exc. art., L. 212-3 modifié et R. 212-1-3 nouveau).
Le commandement de payer devra contenir, à peine de nullité :
- la mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
- le commandement d'avoir à payer dans le délai d'un mois les sommes indiquées ou de parvenir à un accord avec le créancier avec l'avertissement qu'à défaut, il pourra y être contraint par la saisie de ses rémunérations ;
- l'indication que le débiteur peut adresser au commissaire de justice, par voie postale ou par voie électronique, un courrier l'informant de son acceptation de tenter de parvenir à un accord avec le créancier sur le montant ou les modalités de paiement de la dette et que l'absence de courrier en ce sens équivaut à un refus ;
- la reproduction des articles R. 212-1-5 et R. 212-1-6 ;
- l'indication que le débiteur peut, à tout moment, saisir le juge de l'exécution d'une contestation de la mesure ;
- l'indication que, pour suspendre le cours de la procédure de saisie des rémunérations, les contestations doivent être soulevées par assignation dans le délai d'un mois suivant la notification du commandement, et la date à laquelle expire ce délai ;
- l'indication que la contestation de la mesure ne fait pas obstacle à ce qu'un autre créancier délivre un commandement aux fins de saisie des rémunérations ;
- la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations peuvent être portées ;
- l'indication que si le débiteur s'estime en situation de surendettement, il a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers instituée par l'article L. 712-1 du code de la consommation.
Les mentions prévues aux 5° à 9° devront figurer en caractères très apparents.
Il devra être, à peine de caducité, inscrit par le commissaire de justice sur le registre numérique des saisies des rémunérations le jour même, ou bien le jour ouvrable suivant sa signification (C. proc. civ. exéc., art. R. 212-1-2).
Lorsque le débiteur accepte de rechercher un accord avec son créancier, le premier devra en informer le commissaire de justice qui, s’il l'estime nécessaire, entendra le créancier et le débiteur. Au regard des éléments recueillis, il proposera, s’il y a lieu, un accord sur le montant et le paiement de la dette et, si cet accord est accepté, en dressera un procès-verbal (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-6 nouveau). Le procès-verbal suspendra alors la procédure de saisie. Si le débiteur ne respecte pas les termes de l’accord, celle-ci pourra être réenclenchée (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-3 nouveau).
L'étape suivante en cas d'absence d'effet du commandement de payer : le procès-verbal de saisie
Contenu du procès-verbal de saisie
Si le commandement de payer n’entraîne aucune réaction de la part du débiteur à la fin du délai d’un mois, le commissaire de justice peut ordonner la saisie (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-2 nouveau).
Pour ce faire, le commissaire devra signifier dans un délai de 3 mois à compter de la délivrance du commandement de payer, un procès-verbal de saisie (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-2 et L. 212-6 nouveaux).
Le procès-verbal devra contenir à peine de nullité (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-12) :
- l'indication des nom et domicile du débiteur ;
- l'indication que le tiers saisi (en l’occurrence l’employeur) doit adresser tous les mois au commissaire de justice répartiteur une somme égale à la fraction saisissable du salaire ;
- le mode de calcul de la fraction saisissable et les modalités de son règlement ;
- l'injonction de fournir au commissaire de justice, dans les quinze jours au plus tard à compter de la notification de l'acte de saisie, les renseignements prévus à l'article L. 212-8 ;
- la reproduction des articles L. 212-7, L. 212-8 et L. 212-14 ;
- l'identité et les coordonnées du commissaire de justice répartiteur qui a été désigné ;
- le décompte distinct des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée, en principal, frais et intérêts ainsi que l'indication du taux des intérêts.
Ce procès-verbal sera accompagné d’un certificat attestant que le salarié n’a pas formé de contestation le mois suivant la notification du commandement de payer (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-11 et R. 212-1-12).
Tout comme le commandement de payer, le procès-verbal de saisie devra être inscrit par le commissaire de justice sur le registre numérique des saisies des rémunérations le jour même, ou bien le jour ouvrable suivant la signification de l’acte de saisie (C. proc. civ. exéc., art. R. 212-1-13).
L’acte de saisie est dénoncé au débiteur saisi dans un délai de 8 jours, à peine de caducité. Il contient à peine de nullité (C. proc. civ. exéc., art. R. 212-1-15) :
- l’indication que, en cas de changement d’employeur, la saisie pourra être poursuivie, sans nouveau commandement de payer préalable, entre les mains du nouvel employeur ;
- la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations peuvent être portées.
Informations à transmettre par l'employeur au commissaire de justice
L’employeur, devra déclarer au créancier les informations suivantes (C. proc. civ. exéc., art. L. 212-8 nouveau) :
- la situation de droit existant entre lui-même et le salarié débiteur ainsi que sa rémunération ;
- les cessions, saisies, saisies administratives à tiers détenteur ou paiements directs des pensions alimentaires en cours d’exécution.
Attention, ces informations communiquées doivent être strictement nécessaires à la saisie (C. constit., décision 2023-855 DC, 16 nov. 2023).
Ces mêmes informations devront, au plus tard dans les 15 jours à compter de la notification de l’acte de saisie, être transmises au commissaire de justice répartiteur, en précisant le montant de la rémunération qui doit être versée au salarié débiteur le mois suivant la notification de l'acte de saisie (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-14).
L’employeur se doit d’être diligent dans ses déclarations, puisqu’en cas d’abstention ou de mauvaise déclaration, il peut être condamné par le juge, à la demande du créancier saisissant ou intervenant, au paiement d'une amende civile, sans préjudice d'une condamnation à des dommages et intérêts (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-14).
La saisie en elle-même
La saisie sera effectuée par un commissaire de justice répartiteur, désigné par la chambre nationale des commissaires de justice à la demande du créancier et dont l’identité et les coordonnées sont portées à la connaissance de l’employeur et du débiteur (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-9 et R. 212-1-10).
Ce commissaire aura la charge de recevoir les paiements de l’employeur du débiteur et de les envoyer au créancier ou de les répartir en cas de pluralité de créancier (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-22 à R. 212-1-30 qui précisent les modalités de paiement et répartition). Le commissaire répartiteur est aussi chargé de déterminer les employeurs chargés d’opérer les retenues lorsque le débiteur perçoit différentes rémunérations (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-36).
Les versements opérés par l’employeur sont mensuels et toujours limités par les quotités saisissables prévues dans le code du travail (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-5).
L’employeur qui ne versera pas les retenues sur salaire au commissaire de justice répartiteur, pourra être condamné, par le juge de l’exécution, au paiement des sommes non versées (C. proc. civ. exéc. art. L. 212-14 et R. 212-1-42).
Changement dans la situation du débiteur
En cas d’évènement qui suspend ou met fin à la saisie, l’employeur devra en informer le commissaire répartiteur dans un délai de 8 jours (C. proc. civ. exéc. art. R. 212-1-31).
Il devra également informer le commissaire de la fin du lien de droit qui l’unit au salarié débiteur (licenciement, démission…). La procédure de saisie pourra être poursuivie avec le nouvel employeur, par la notification d’un acte de saisie dans un délai d’un an. À défaut de notification la procédure prendra fin, les fonds seront répartis et la saisie sera radiée du registre numérique des saisies des rémunérations.
L'entrée en vigueur de la réforme
Toutes ces nouvelles règles s’appliqueront à partir du 1er juillet 2025 (D. n° 2025-125, 12 févr. 2025, art. 6, I), aux cessions des rémunérations et aux procédures de saisie des rémunérations autorisées à cette date (L. n° 2023-1059 du 20 nov. 2023, art 60, X). En conséquence, l’employeur devra cesser tout versement au régisseur installé auprès du greffe du tribunal judiciaire. Les versements opérés après cette date seront rejetés (D. n° 2025-125, 12 févr. 2025, art. 6, II).
Les procédures déjà autorisées au 1er juillet 2025
Pour assurer la continuité des procédures autorisées au 1er juillet 2025, la loi n° 2023-1059 a prévu des règles spécifiques qui sont différentes selon que le créancier est assisté ou non :
- les procédures de saisie des rémunérations autorisées au 1er juillet 2025 seront transmises au mandataire du créancier s'il est commissaire de justice. Cette transmission s'effectue par la communication par le greffe au commissaire de justice de certaines informations (D. n°2025-125, 12 févr. 2025, art. 6, III) ;
- si le créancier n'est ni assisté ni représenté à la procédure par un commissaire de justice, la procédure sera transmise à la chambre régionale des commissaires de justice du lieu où réside le débiteur pour son attribution à un commissaire de justice.
La transmission des informations contenues à l'article 6 du décret est formalisée dans un procès-verbal établi en double exemplaire. Un exemplaire est remis au mandataire du créancier ou à la chambre régionale des commissaires de justice, selon le cas. Le deuxième est conservé par le service des saisies des rémunérations (D. n°2025-125, 12 févr. 2025, art. 6, III) .
À compter de la transmission de la procédure au mandataire du créancier ou de son attribution à un commissaire de justice, le créancier disposera, à peine de caducité de la mesure en cours, d'un délai de 3 mois pour confirmer au mandataire ou au commissaire de justice sa volonté de poursuivre la procédure de saisie des rémunérations selon les nouvelles modalités. Le délai de 3 mois court à compter de la transmission des informations au mandataire du créancier ou du commissaire de justice désigné par la chambre régionale des commissaires de justice (D. n°2025-125, 12 févr. 2025, art. 6, VI).
Les demandes incidentes ou requêtes présentées avant le 1er juillet 2025, mais n'ayant pas donné lieu à un jugement
Si une demande incidente ou une contestation est présentée avant le 1er juillet 2025, elle sera jugée conformément aux dispositions du code du travail et du code des procédures civiles d'exécution dans leur rédaction antérieure à la loi avant d’être transmise au mandataire du créancier ou à la chambre régionale des commissaires de justice, qui la communiquera au commissaire de justice qu’elle désignera (D. 2025-125 du 12 février 2025, art. 6, IV).