Pour répondre à la contestation de la rue démarrée fin 2018 contre la baisse du pouvoir d'achat (mouvement dit des « gilets jaunes »), la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales (loi MUES) avait permis aux entreprises, sous certaines conditions, de verser exceptionnellement (avant le 1er avril 2019) une prime à leurs salariés (ou à certains d'entre eux) non imposable et exclue de l'assiette des cotisations et contributions sociales dans certaines limites (prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ou PEPA). Fort du succès de cette prime, le dispositif a été reconduit en 2020 et en 2021 (mais pas complètement à l'identique) pour finir par être pérennisé à compter du 1er juillet 2022 et rebaptisé, pour l'occasion, prime de partage de la valeur (PPV).
L'instauration de la PEPA puis de la PPV a permis à de nombreux salariés de bénéficier d'une redistribution de la valeur créée par les entreprises, en particulier dans les petites et les moyennes entreprises, dans lesquelles l'intéressement et la participation sont moins développés.
Remarque
de juillet 2022 à juillet 2023, la prime de partage de la valeur a été versée à 9,5 millions de salariés pour un montant total de près de 6,4 milliards d'euros. Le montant moyen de prime versée était de 730 euros (sources de la Direction de la sécurité sociale).
Trois améliorations du cadre légal et réglementaire de la PPV ont été demandées par les partenaires sociaux signataires de l'ANI du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise :
- permettre l'attribution de deux PPV chaque année dans la limite du plafond d'exonération et du nombre de versements actuels ;
- permettre le placement de la PPV dans un plan d'épargne salariale ou d'épargne retraite ;
- à compter du 1er janvier 2024, maintenir le régime fiscal de faveur actuel au profit des entreprises de moins de 50 salariés.
Deux primes au titre d'une même année
Jusqu’au 30 novembre 2023, si la prime pouvait être versée en plusieurs fois, il s’agissait de la même prime unique. Dès lors, les critères d’attribution (et, à notre avis, de modulation) ne pouvaient être différents pour chaque versement (BOSS-Mes. except.-Prime de partage de la valeur, QR 6.3).
A compter du 1er décembre 2023, la prime peut être octroyée deux fois, au titre d’une même année civile, dans la limite globale du plafond d’exonération (3 000 ou 6 000 euros) et du nombre de versements (4 versements trimestriels) (L. n° 2022-1158, 16 août 2022, art. 1er, mod.). Ainsi, chaque année civile, l'entreprise peut attribuer deux primes aux modalités d'attribution différentes (bénéficiaires différents, modulation différente, montant différent) si sa situation économique et financière le lui permet.
Remarque
la disposition ne prévoit pas d'entrée en vigueur spécifique (par exemple, calée sur l'exercice social, soit une entrée au 1er janvier 2024). Dès lors, un employeur qui a distribué un PPV en début d’année 2023 peut en accorder une seconde au titre de 2023 (mais pas avant le 1er décembre 2023), dont les modalités diffèrent de la première.
Prolongation du régime fiscal de faveur jusqu'au 31 décembre 2026 pour les salariés appartenant à une entreprise de moins de 50 salariés
Initialement, seules les primes versées, entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, aux salariés ayant reçu, au cours des 12 derniers mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic, étaient exonérées de CSG/CRDS, de taxe sur les salaires et n'étaient pas imposables.
Ce régime fiscal de faveur temporaire est prolongé dans les entreprises de moins de 50 salariés uniquement.
Ainsi, les primes de partage de la valeur versées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026 par une entreprise de moins de 50 salariés à ceux de ses salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, une rémunération inférieure à 3 Smic annuels resteront exonérées :
- non seulement des cotisations sociales (régime pérenne),
- mais aussi de l'impôt sur le revenu, de la CSG/CRDS et de la taxe sur les salaires.
Les PPV distribuées par les autres entreprises seront, elles, soumises intégralement à l'impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS.
Remarque
rappelons que la prime de partage de valeur est assimilée, pour l'assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l'intéressement pour les entreprises qui en sont redevables, à savoir les entreprises de 250 salariés et plus, conformément à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.
Pour les parlementaires, le contexte actuel, qui demeure marqué par une forte inflation, justifie que le régime fiscal temporaire adossé à la prime soit prolongé pour trois années supplémentaires pour les salariés rémunérés jusqu'à 3 Smic, en restreignant son application aux entreprises de moins de 50 salariés. Ces entreprises sont celles qui ne sont pas tenues de mettre en place un régime de participation et qui développent peu l'intéressement. Leurs salariés bénéficient donc moins des dispositifs de partage de la valeur que ceux employés par des entreprises de plus de 50 salariés. Relevons toutefois que, pour le Conseil d'Etat, ce traitement inégalitaire selon la taille de l'entreprise est contestable parce qu'il méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques (CE, avis, 17 mai 2023, n° 407.057).
Affectation possible à un plan d'épargne salariale ou à un plan d'épargne retraite
Le salarié bénéficiaire d’une PPV pourra bientôt choisir d’affecter tout ou partie de cette prime dans un plan d’épargne salariale (PEE, PEI ou Perco s’il en existe) ou dans un plan d’épargne retraite (PERI, PEREC, PERO ou PERE regroupé), dans un délai défini par décret à paraître (C. trav., art. L. 3332-3, L. 3333-4 et L. 3334-6 mod. ; C. mon. fin, art. L. 224-2 mod.). L'application effective de cette mesure est subordonnée à ce décret d'application.
Remarque
attention ! Pour permettre aux salariés d'alimenter un PERO avec la participation, l'intéressement et désormais la PPV, l'entreprise doit soit ouvrir le PERO à l'ensemble du personnel soit proposer à tous les salariés un PEREC (C. mon. fin., art. L. 224-25, al. 1, 2°).
L’employeur doit informer le bénéficiaire des sommes qui lui sont attribuées au titre de la PPV et du délai dans lequel il peut formuler sa demande d’affectation à un plan d’épargne salariale ou retraite.
Remarque
dans la mesure où le règlement du plan doit préciser la nature des sommes pouvant être versées sur le plan, il peut être utile de modifier le règlement afin d’y intégrer cette nouvelle affectation.
Affecter cette prime à de tels plans d'épargne permet de la défiscaliser ; une solution intéressante si le bénéficiaire ne peut prétendre à l'application du régime fiscal temporaire de faveur (voir ci-avant). En effet, dans ce cas, la prime est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du plafond d’exonération applicable (3 000 ou 6 000 euros).
Autre avantage éventuel : si l’employeur ou les partenaires sociaux le souhaitent, la prime affectée à un PEE, un PEI, un Perco ou un PEREC peut être abondée par l’employeur dans les conditions de droit commun (C. trav., art. L. 3332-11 mod.).
Remarque
pour des détails sur les modifications apportées par la loi Partage de la valeur aux plans d'épargne salariale et retraite, voir notre article du 30 novembre 2023.