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23 août 2022
Pour faciliter la diffusion de l'intéressement, la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat prévoit plusieurs mesures, parmi lesquelles le relèvement de la durée maximale de l'intéressement et l'élargissement de la mise en place par DUE aux entreprises de moins de 50 salariés. Les procédures de contrôle des dispositifs d'épargne salariale sont également modifiées pour gagner en efficacité et un nouveau déblocage exceptionnel de l'épargne salariale est temporairement autorisé.

Mesures portant uniquement sur l'intéressement

La durée maximale d'un régime d'intéressement est portée à 5 ans

Pour permettre aux entreprises de fixer des objectifs pluriannuels sur un plus long terme, un régime d’intéressement peut désormais être conclu pour une durée comprise entre 1 et 5 ans (contre 1 à 3 ans auparavant), qu’il soit mis en place par accord ou par décision unilatérale de l’employeur.

Il en est de même pour l’intéressement de projet.

Le renouvellement tacite de l'intéressement est possible plusieurs fois

Si l’accord d’intéressement le prévoit, le renouvellement tacite intervient lorsqu’aucune des parties habilitées à négocier ou à ratifier sur l’intéressement ne demande de renégociation dans les 3 mois précédant la date d’échéance de l’accord (C. trav., art. L. 3312-5, I).

Désormais, ce renouvellement tacite pour une durée égale à la durée initiale de l’accord peut intervenir plusieurs fois. Initialement, il ne pouvait intervenir qu’une seule fois.

Remarque

l’accord d’intéressement peut-il limiter le nombre de reconductions tacites ? Les textes ne l’interdisent pas.

La mise en place unilatérale de l'intéressement est élargie aux entreprises de moins de 50 salariés

Du 19 juin 2020 au 17 août 2022, pour mettre en place un régime d’intéressement, seules les entreprises de moins de 11 salariés pouvaient recourir à la décision unilatérale si elles étaient dépourvues de CSE et ne disposaient d’aucun délégué syndical et n’appliquaient ou n’avaient conclu aucun accord d’intéressement depuis au moins 5 ans avant la date d’effet de cette décision.

La loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d’achat élargit le recours à la DUE aux entreprises de moins de 50 salariés, partant du constat que les 2/3 d’entre elles sont dépourvues de CSE et qu’une écrasante majorité ne dispose d’aucun délégué syndical.

Ainsi, depuis le 18 août 2022, sous réserve de ne pas être couverte par un accord d’intéressement de branche agréé, une entreprise de moins de 50 salariés peut mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale, pour une durée comprise entre 1 et 5 ans, dans deux cas de figure :

  1. L'entreprise est dépourvue de délégué syndical et de CSE : dans cette situation, l’employeur doit informer son personnel de l’existence du régime par tout moyen. L'absence de CSE dans une entreprise d’au moins 11 salariés doit être justifiée par un procès-verbal de carence de candidatures aux élections professionnelles. A défaut, le recours à la DUE n'est pas permis.
  2. L'entreprise compte au moins un délégué syndical ou un CSE : dans cette situation, elle doit d’abord tenter de négocier un accord avec le délégué syndical ou le CSE et ce n’est qu’après échec des négociations (constaté dans un procès-verbal de désaccord consignant, en leur dernier état, les propositions respectives des parties) que la mise en place du dispositif par décision unilatérale est permise. Le CSE doit être consulté sur le projet de régime d’intéressement au moins 15 jours avant son dépôt auprès de l’administration.

Remarque

pour mettre en place un régime d’intéressement, l’employeur peut donc recourir à la DUE alors même qu’il a déjà mis en place un tel dispositif moins de 5 ans auparavant.

Le régime d’intéressement mis en place unilatéralement vaut accord d’intéressement. En principe, toutes les dispositions applicables à l’accord d’intéressement s’appliquent donc à la décision unilatérale, à quelques exceptions près (C. trav., art. L. 3347-1).

Ainsi (C. trav., art. L. 3312-5, II et L. 3347-1) :

  • un intéressement de projet ne peut être mis en place unilatéralement ;
  • l’entreprise dépourvue de délégué syndical mais pourvue d’un CSE et dans laquelle aucun accord d’intéressement n’existe n’a pas à proposer tous les 3 ans un examen des conditions dans lesquelles pourrait être mis en œuvre un dispositif d’épargne salariale C. trav., art. L. 3344-3 ;
  • l’article L. 3344-2 du code du travail n’est pas applicable à l’intéressement mis en place par DUE (augmentation de capital au sein d’un groupe), tout comme les règles faisant intervenir les institutions représentatives du personnel lorsque l’entreprise en est dépourvue.

Remarque

l’article L. 3347-1 précité, créé par la loi no 2020-734 du 17 juin 2020 qui a permis la mise en place de l’intéressement par DUE dans les entreprises de moins de 11 salariés, n’a pas été supprimé ni modifié par la loi « pouvoir d’achat ». Les exceptions demeurent donc applicables.

 Le dispositif d’intéressement mis en place par DUE à compter du 18 août 2022 peut être renouvelé par décision unilatérale. Auparavant, la reconduction devait passer par l’une des modalités de droit commun de mise en place de l’intéressement.

Remarque

une autorisation logique dans la mesure où il est peu probable que l’entreprise remplisse les conditions pour recourir à un accord collectif ou négocié avec le CSE lors du renouvellement du régime d’intéressement unilatéral.

Le congé de paternité est assimilé à du temps de présence pour le calcul de l'intéressement

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant (C. trav., art. L. 1225-35) est ajouté à la liste des absences du salarié assimilées à du temps de présence, lorsque l’accord d’intéressement prévoit la répartition des sommes en tout ou partie en fonction du temps de présence.

A noter que cette mesure de neutralisation n’est pas prévue pour la répartition de la participation, créant ainsi une distorsion entre les deux dispositifs.

Des accords-types dématérialisés et sécurisés dès le dépôt seront proposés

La loi « pouvoir d’achat » prévoit la création d’une procédure dématérialisée permettant de concevoir des accords et décisions unilatérales d’intéressement types. Cette procédure devrait permettre de vérifier la conformité de l’accord ou de la décision préalablement à son dépôt auprès de l’administration.

Remarque

selon l’étude d’impact du projet de loi initial, le service « Mon-interessement.urssaf.fr » évoluera pour proposer, en encadrant davantage le choix de rédaction de l’accord, un document généré sous forme d’accords ou de décisions unilatérales « type » dont le contenu sera construit pour être conforme aux textes. Même si l’effort de simplification est louable, il n’est pas certain que cette mesure simplifie en pratique la mise en place d’un accord d’intéressement dans les TPE. L’utilisation d’un modèle-type laisse penser que la mise en œuvre d’un tel dispositif peut être faite sans accompagnement. Or, sans accompagnement, il peut être compliqué de choisir une formule de calcul sécurisée sur le plan économique et financier.

Les exonérations sociales et fiscales attachées aux sommes versées en application de cet accord ou décision type seront réputées acquises dès le dépôt et pour la durée de l’accord ou de la décision.

Remarque

ces accords et décisions ne feront donc pas l’objet d’un contrôle de légalité de l’Urssaf.

Cette mesure s’appliquera aux dispositifs d’intéressement déposés à compter du 1er janvier 2023 mais son effectivité nécessite un décret en Conseil d’Etat (à paraître).

Un dispositif de déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation est prévu jusqu'au 31 décembre 2022

Pour générer un effet immédiat sur le pouvoir d'achat, un déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation est prévu, pour une durée limitée.

Ce déblocage concerne non seulement les salariés mais aussi les dirigeants et leurs conjoints bénéficiaires d'un tel dispositif.

La mesure est entrée en vigueur le 18 août 2022.

Attention ! D'ici le 16 octobre 2022, l'employeur doit informer les salariés de son existence.

Pour quelle finalité ?

Le déblocage anticipée de l'épargne doit servir à :

  • l'achat d'un ou plusieurs biens ;
  • ou à la fourniture d'une ou plusieurs prestations de service.

L'organisme gestionnaire ou, à défaut, l'employeur, déclare à l'administration fiscale le montant des sommes débloquées. Le bénéficiaire doit tenir à la disposition de cette administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.

Jusqu'à 10 000 euros bénéficiant d'exonérations sociales et fiscales

Peuvent être débloqués de manière anticipée les droits (titres, parts, actions ou sommes) issus de la participation ou de l'intéressement affectés avant le 1er janvier 2022 :

  • sur un PEE ou un PEI ;
  • ou sur un compte courant bloqué (CCB) dans le cadre d'un régime d'autorité : ce second cas de figure concerne les droits à participation affectés pour 8 ans sur un CCB lorsque l'entreprise n'a pas mis en place de participation alors qu'elle remplissait les conditions l'obligeant à le faire.

Remarque

la loi n° 2019-486 dite loi PACTE a supprimé, à compter du 24 mai 2019, la possibilité de recourir à des CCB comme mode de placement de la participation. Mais les sociétés dans lesquelles l'accord de participation autorisait l'affectation sur des CCB avant le 23 mai 2019 peuvent continuer à utiliser ce mode de placement. La question se pose de savoir si les droits affectés à ces CCB peuvent être également être débloqués.

Le déblocage des droits issus de l'intéressement ou de la participation affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise (ou d'une entreprise du groupe), placés sur un FCPE d'actionnariat salarié, placés dans une Sicav d'actionnariat salarié ou, pour la participation seulement, placés dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements est subordonné à un accord collectif conclu selon les mêmes modalités que l'accord de participation ou que l'accord sur le plan d'épargne salariale dans le cas de l'intéressement. Cet accord peut limiter la possibilité de déblocage de certaines catégories de droits à une partie des avoirs en cause.

Le déblocage porte sur tout ou partie de ces droits, pour leur valeur au jour du déblocage.

Ne peuvent être débloqués :

  • les droits affectés à un plan d'épargne retraite d'entreprise ou interentreprises, que ce soit un Perco, un Perec, un Pero ou bien encore un Pere regroupé ;
  • les droits issus de la participation et de l'intéressement affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires (entreprise solidaire d'utilité sociale agréée, entreprise d'insertion, association intermédiaire, atelier et chantier d'insertion, ETT d'insertion...)

La demande de déblocage, qui peut être présentée jusqu'au 31 décembre 2022, ne peut être faite qu'en une seule fois dans la limite d'un plafond global de 10 000 euros net de prélèvements sociaux. Les sommes débloquées bénéficient des exonérations sociales et fiscales prévues pour l'intéressement et la participation en cas d'affectation à un plan d'épargne salariale.

Au 1er janvier 2023, le contrôle de légalité sera raccourci pour tous les dispositifs d'épargne salariale...

La loi « pouvoir d’achat » modifie une fois encore la procédure du contrôle de légalité des accords d’intéressement, de participation et de plans d’épargne salariale. Le délai du contrôle est raccourci d’un mois puisque le contrôle formel opéré par la DDETS, portant sur la validité des modalités de conclusion de l’accord ou du plan, est supprimé.

Remarque

selon le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la pertinence de l’étape de contrôle par l’administration du travail ne paraissait pas avérée et sa suppression a pour effet de réduire la durée globale du processus de mise en place de l’intéressement et d’alléger, en parallèle, la charge de travail de l’administration (Rapport AN n° 144 du 13 juillet 2022).

Ainsi, pour les accords et plans déposés à compter du 1er janvier 2023, seul le contrôle « de fond » opéré par l’Urssaf sera maintenu. L’Urssaf pourra demander, dans un délai maximal de 3 mois après le dépôt de l’accord ou du plan, le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, à l’exception des règles relatives aux modalités de dénonciation et de révision de l’accord ou du plan.

Comme aujourd’hui, l’Urssaf, la CGSS ou la MSA disposera, pour contrôler un accord d’intéressement, d’un délai supplémentaire de 2 mois à compter de l’expiration du premier délai de 3 mois.

Remarque

comme actuellement, en l’absence de demande de l’Urssaf, la CGSS ou la MSA dans le délai de 3 mois, aucune contestation ultérieure de la conformité du document aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne pourra avoir pour effet de remettre en cause les exonérations sociales et fiscales pour les sommes versées aux salariés au titre des exercices en cours ou antérieurs à la contestation. A défaut de demande de l’organisme de recouvrement susvisé dans le délai supplémentaire de 2 mois accordé à l’administration pour les accords d’intéressement, les exonérations sont réputées acquises pour les exercices ultérieurs.

... tout comme la procédure d'agrément des accords de branche

Un régime d’intéressement peut être établi au niveau de la branche. Ce régime de branche doit être adapté aux spécificités des entreprises employant moins de 50 salariés.

Pour le sécuriser et ainsi favoriser sa diffusion auprès des TPE/PME, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) du 7 décembre 2020 subordonne l’application par les entreprises d’un accord d’intéressement de branche déposé à compter du 1er novembre 2021 à son agrément administratif délivré par le ministre chargé du travail.

Aujourd’hui, la procédure d’agrément est conduite dans le délai réglementaire de 6 mois à compter de ce dépôt. Le ministre chargé du travail peut proroger ce délai de 6 mois supplémentaires (C. trav., art. D. 3345-6, al. 4).

Les accords de branche déposés à compter du 1er janvier 2023 bénéficieront d’une procédure accélérée pour obtenir cet agrément. Estimant le délai réglementaire trop long au regard de l’objectif de développement de l’intéressement et de la participation dans les entreprises (en particuliers les PME), le législateur a en effet limité à 4 mois cette procédure d’agrément. Ce délai pourra être prorogé une fois pour une durée équivalente à la moitié de sa durée initiale.

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