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31 mai 2022
Un décret du 26 avril 2022, pris en application de la loi Climat, définit les informations environnementales qui doivent figurer dans la BDESE supplétive. Explications.
Quelles informations environnementales pour la BDESE supplétive ?
©Gettyimages

Un décret très attendu par les partenaires sociaux

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat », a doté le comité social et économique (CSE) d’une compétence générale en matière environnementale. Il doit notamment être informé, au cours de ses 3 consultations récurrentes, des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise (C. trav. art. L 2312-17 et L 2312-22). Corrélativement, il a été prévu que la base de données économiques et sociales (BDES), devenue base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), soit enrichie pour prendre en compte cet accroissement de compétences. Les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise constituent désormais l’un des thèmes obligatoires de la BDESE négociée (C. trav. art. L 2312-21). S’agissant de la BDESE supplétive, mise en place en l’absence d’accord sur le sujet, l’article L 2312-36 a ajouté aux 9 thèmes existants un 10e thème intitulé « Conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». On attendait depuis 8 mois qu’un texte réglementaire définisse les informations devant figurer dans la base au titre de ce 10e thème. C’est désormais chose faite avec le décret du 2022-678 du 26 avril 2022, « relatif aux indicateurs environnementaux devant figurer dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) et aux formations économiques, sociales, environnementales et syndicales ».

A notre avis :

Dans les articles consacrés à la loi Climat et au cours des réunions d’information qui se sont tenues sur le sujet, on a pu noter une opposition entre, d’une part, une conception extensive du contenu environnemental de la BDESE supplétive, portée par les représentants des CSE, les organisations syndicales et leurs conseils, qui voyaient dans la loi l’occasion de pousser les entreprises à faire des efforts supplémentaires pour la protection de l’environnement, et, d’autre part, une conception minimaliste de ce contenu, défendue par les organisations patronales et leurs conseils, qui redoutaient, notamment, un alourdissement des obligations d’information pesant sur les employeurs. Le décret s’est nettement positionné dans le sens de cette dernière conception, puisqu’il reformule, pour une part, des obligations existantes, prévoit, pour une autre, le versement dans la BDESE de documents que l’employeur est déjà tenu d’établir par ailleurs et que les nouvelles obligations imposées à l’employeur sont légères. La mise en œuvre d’une conception extensive du contenu environnemental de la BDESE demeure possible, mais seulement par la voie de la négociation collective.

Rappelons toutefois que, en vertu de la loi Climat, le CSE doit désormais être informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures prises par l’employeur en matière d’organisation, de gestion et de marche générale de l’entreprise (C. trav. art. L 2312-8, III) et que, dans le cadre de ces consultations ponctuelles, l’employeur peut être tenu de lui fournir d’autres informations que celles figurant dans la BDESE supplétive qui ne concerne, rappelons-le, que les informations devant être fournies au CSE dans le cadre de ses consultations récurrentes.

Le décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, soit le 28 avril 2022.

Des obligations différentes selon que l’entreprise est soumise, ou non, à la DPEF

Le texte distingue deux groupes d’entreprises, celles non tenues de publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF), d’une part, et celles qui y sont tenues, d’autre part. Logiquement, les informations environnementales devant figurer dans la base de données supplétive du premier groupe d’entreprises sont moins nombreuses et détaillées que celles de la BDESE du second groupe.

Pour les entreprises non soumises à la DPEF, une information a minima

Le décret ajoute aux 9 thèmes de la base de données « ancienne mouture » un dixième thème intitulé « Environnement », ce thème étant subdivisé en 3 sous-thèmes : « Politique générale », « Économie circulaire » et « Changement climatique », chacun de ces sous-thèmes comprenant une série d’informations à mettre à la disposition du CSE.

Ces sous-thèmes reprennent ceux de la déclaration de performance extra-financière, mais leur contenu est nettement moins étoffé que dans cette déclaration, qui, par ailleurs, en comporte deux de plus : voir ci-après.

Au plan formel, le décret a modifié les tableaux figurant aux articles R 2312-8 (entreprises de moins de 300 salariés) et R 2312-9 (entreprises d’au moins 300 salariés) du Code du travail, qui définissent les informations devant figurer dans la base.

Il a également modifié les articles R 2312-16 à R 2312-20 du Code du travail qui précisent les éléments qui doivent être mis à la disposition du CSE dans la BDESE lors de ses consultations récurrentes sur la situation économique et financière de l’entreprise, d’une part (C. trav. art. R 2312-16 et R 2312-17), et sur la politique sociale, les conditions économiques et l’emploi, d’autre part (C. trav. art. R 2312-18 à R 2312-20).

Rappelons que les autres thèmes devant figurer dans la BDESE supplétive sont les suivants : investissements ; égalité professionnelle femmes/hommes au sein de l’entreprise ; fonds propres, endettement et impôts ; rémunération des salariés et dirigeants, dans l’ensemble de leurs éléments ; représentation du personnel (pour les seules entreprises d’au moins 300 salariés) et activités sociales et culturelles ; rémunération des financeurs ; flux financiers à destination de l’entreprise ; partenariat ; pour les entreprises appartenant à un groupe, transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe.

Au titre de la « Politique générale », devront désormais figurer dans la BDESE des informations relatives à l’organisation de l’entreprise pour prendre en compte les questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d’évaluation ou de certifications en matière d’environnement.

Les informations sur les « démarches » ne doivent donc être fournies que lorsqu’elles existent.

Le sous-thème « Économie circulaire » devra comprendre des informations sur :

- la prévention et la gestion de la production de déchets : évaluation de la quantité de déchets dangereux définis à l’article R 541-8 du Code de l’environnement et faisant l’objet du bordereau mentionné à l’article R 541-45 du même Code ;

- l’utilisation durable des ressources : consommation d’eau et consommation d’énergie.

A noter :

Les informations figurant dans ce sous-thème sont donc succinctes, tant s’agissant de la consommation d’eau et d’énergie, qui concerne toutes les entreprises, que des déchets : seules certaines entreprises sont concernées et celles qui le sont n’auront qu’à faire figurer dans la base des informations qui figurent dans le bordereau susvisé.

Au titre du changement climatique, devront figurer dans la base :

- l’identification des postes d’émissions directes de gaz à effet de serre produites par les sources fixes et mobiles nécessaires aux activités de l’entreprise (communément appelées « émissions du scope 1 » et, lorsque l’entreprise dispose de cette information, l’évaluation du volume de ces émissions de gaz à effet de serre ;

- le bilan des émissions de gaz à effet de serre prévu par l’article L 229-25 du Code de l’environnement ou le bilan simplifié prévu par l’article 244 de la loi 2020-1721 du 29-12-2020 de finances pour 2021 pour les entreprises tenues d’établir ces différents bilans.

A noter :

Là encore, le but poursuivi par le pouvoir réglementaire est d’éviter d’alourdir les obligations des entreprises. La seule obligation nouvelle est l’identification des émissions du scope 1, leur évaluation n’étant obligatoire que si l’entreprise en dispose déjà. De même pour les deux bilans, puisque l’entreprise n’aura qu’à verser dans la base des documents dont elle dispose déjà. Rappelons que l’établissement d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre, ou « bilan GES », prévu par l’article L 229-95 du Code de l’environnement, est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés, l’établissement d’un bilan simplifié s’imposant à celles de plus de 50 salariés mais qui ont bénéficié des crédits ouverts pour le plan de relance de la loi de finances pour 2021.

On signalera, enfin, l’existence, dans les tableaux des articles R 2312-8 et R 2312-9, d’une note de bas de page précisant que, lorsque les données et informations environnementales transmises dans le cadre de cette rubrique ne sont pas éditées au niveau de l’entreprise, par exemple lorsqu’elles le sont au niveau du groupe ou des établissements distincts, elles doivent être accompagnées d’informations supplémentaires pertinentes pour être mises en perspective à ce niveau.

A notre avis :

Les termes « accompagnées » et « supplémentaires » signifient que l’employeur pourra reproduire les données « groupe » ou « établissement », autrement dit qu’il ne sera pas tenu de créer de toutes pièces des informations au niveau de l’entreprise, mais aussi qu’il devra y ajouter des précisions pour les remettre en perspective. Le pouvoir réglementaire a accepté, ici, d’alourdir un peu les obligations de l’employeur. Reste que la rédaction est ambiguë. La question se pose, en effet, de savoir si, lorsque l’employeur ne détient que peu d’éléments environnementaux au niveau de l’entreprise, mais a en sa possession des informations pertinentes entrant dans les 3 sous-thèmes au niveau du groupe ou des établissements, il est tenu de les délivrer. Cela n’est pas dit explicitement, mais la réponse pourrait, selon nous, être positive.

Pour les entreprises soumises à la DPEF, une reprise de l’existant

Le décret du 26 avril prévoit que les entreprises soumises à la déclaration de performance extra-financière devront faire figurer dans la BDESE les informations environnementales de cette déclaration. Viennent s’y ajouter, s’agissant de l’économie circulaire,  ainsi que, pour le changement climatique, les données présentées ci-dessus.

A noter :

Ainsi, si l’information environnementale versée dans la BDESE est nettement plus importante et détaillée pour les entreprises soumises à la DPEF, les obligations de l’employeur ne sont que très peu modifiées par rapport à celles antérieures. En effet, ces entreprises devaient déjà faire figurer dans la BDES, depuis plusieurs années, les informations environnementales de cette déclaration. Simplement, cette obligation figurait sous le premier thème de la base, « Investissements ». Le décret se contente de la déplacer sous le 10thème nouvellement créé « Environnement » (et, au passage, de remplacer la référence à l’article R 225-105-1, I-2° du Code de commerce, qui était obsolète, par la bonne référence à l’article R 225-105, II-A-2°). Et aussi de faire figurer ces informations parmi la liste de celles devant être mises à la disposition du CSE dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, non plus seulement parmi celles devant être fournies pour sa consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Lorsque des données et informations environnementales transmises dans le cadre de la rubrique « Environnement » sont éditées à un autre niveau que celui de l’entreprise, comme le groupe ou l’établissement distinct, la règle exposée ci-dessus pour les entreprises non soumises à la DPEF s’applique à celles qui y sont soumises.

Entreprises visées

Sont concernées les grandes sociétés anonymes (sociétés par actions, SAS exclues) dépassant les seuils suivants (C. com. art. L 225-102-1 et R 225-104) :

- pour les sociétés non cotées, total du bilan supérieur à 100 millions d’€, ou montant net du chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’€ et nombre moyen de salariés permanents au cours de l’exercice supérieur à 500 ;

- pour les sociétés cotées : total du bilan supérieur à 20 millions d’€, ou montant net du chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’€ et nombre moyen de salariés permanents au cours de l’exercice supérieur à 500.

Sont aussi concernées les sociétés établissant des comptes consolidés et dont le total des entreprises comprises dans leur périmètre excède ces seuils. Dans ce cas, les informations de la DPEF doivent porter sur l’ensemble des sociétés incluses dans le périmètre de consolidation.

Informations à verser dans la BDESE

Les informations environnementales de la DPEF qui doivent être reprises dans la BDESE concernent tout d’abord la politique générale en matière environnementale (C. com. art. R 225-105, II-A-2°-a) :

- l'organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d'évaluation ou de certification en matière d'environnement ;

- les moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions ;

- le montant des provisions et garanties pour risques en matière d'environnement, sous réserve que cette information ne soit pas de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours.

Elles concernent aussi la pollution (C. com. art. R 225-105, II-A-2°-b) :

- les mesures de prévention, de réduction ou de réparation de rejets dans l'air, l'eau et le sol affectant gravement l'environnement ;

- la prise en compte de toute forme de pollution spécifique à une activité, notamment les nuisances sonores et lumineuses.

A noter :

Doivent aussi figurer dans la BDESE, au titre des informations environnementales de la DPEF, des éléments sur l’économie circulaire (C. com. art. R 225-105, II-A-2°-c) :

- Prévention et gestion des déchets :

  • les mesures de prévention, de recyclage, de réutilisation, d'autres formes de valorisation et d'élimination des déchets ;
  • les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire.

- Utilisation durable des ressources :

  • la consommation d'eau et l'approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales ;
  • la consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l'efficacité dans leur utilisation ;
  • la consommation d'énergie, les mesures prises pour améliorer l'efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ;
  • l'utilisation des sols.

Viennent s’ajouter à ces éléments, le cas échéant, les informations sur la prévention et la gestion de la production des déchets visées ci-dessus (C. trav. art. R 2312-9, 10°-I-B).

Doivent aussi figurer dans la BDESE, au titre des informations environnementales de la DPEF, des éléments sur le changement climatique (C. com. art. R 225-105, II-A-2°-d) :

  • postes significatifs d'émissions de gaz à effet de serre générés du fait de l'activité de la société, notamment par l'usage des biens et services qu'elle produit ;
  • mesures prises pour l'adaptation aux conséquences du changement climatique ;
  • objectifs de réduction fixés volontairement à moyen et long terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et les moyens mis en œuvre à cet effet.

Viennent s’ajouter à ces éléments, le cas échéant, le bilan des émissions de gaz à effet de serre (bilan GES) ou le bilan simplifié visé plus haut (C. trav. art. R 2312-9, 10°-I-C).

Les DPEF afférentes aux exercices comptables ouverts à compter du 1er juillet 2022 devront comprendre « les postes d'émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre liées aux activités de transport amont et aval de l'activité […] accompagnées d'un plan d'action visant à réduire ces émissions, notamment par le recours aux modes ferroviaire et fluvial ainsi qu'aux biocarburants dont le bilan énergétique et carbone est vertueux et à l'électromobilité » (C. com. art. L 225-102-1, III).

Doivent, enfin, figurer dans la BDESE, au titre des informations environnementales de la DPEF, les mesures prises pour préserver ou restaurer la protection de la biodiversité (C. com. art. 225-105, II-A-2°-e).

Autres dispositions du décret

Le décret du 26 avril 2022 prévoit enfin plusieurs modifications des dispositions existantes qui ne concernent ni l’environnement, ni même la BDESE.

Le tableau figurant à l’article R 2312-9 du Code du travail fait ainsi l’objet d’un toilettage pour le mettre à jour de certains des textes intervenus depuis sa dernière modification. Sont notamment concernées les rubriques emploi des personnes handicapées, accidents et médecine du travail.

Par ailleurs, la loi Climat a transformé le congé de formation économique, sociale et syndicale en congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. L’article 1er du décret met à jour les dispositions réglementaires du Code du travail de cette nouvelle dénomination.

Documents et liens associés

Décret 2022-678 du 26-4-2022 : JO 27

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Pascale PEREZ DE ARCE
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